La génération Z, ces 15-25 ans qui façonnent le monde de demain

Les Z sont souvent « cassés » par les grands groupes, qui devront apprendre à les utiliser sans les étouffer. Autant les observer et les comprendre : notre monde sera ce qu’ils en feront.

Vous avez aimé la génération Y, la bien nommée « Why », celle qui accepte mal les hiérarchies et veut toujours connaître le pourquoi du comment ? Alors vous adorerez la génération Z, les ados nés dans les années 1990, âgés aujourd’hui de 15 à 25 ans. Car ils sont pires ! Aux Etats-Unis ou en Australie, on ne parle plus que d’eux.  

Etudier les Z, rechercher les Z, comprendre les Z est devenu une obsession pour les grandes marques, la mode et les médias. En France, la « Zmania » commence à envahir les bureaux de style. Les Z sont les vrais digital natives, puisque le portable et Internet sont arrivés en France autour de 1995.  

Leurs aînés les Y, nés dans les années 1980, se démarquaient par leur connectivité et leur nomadisme (merci, Erasmus et EasyJet) ; les Z vont plus loin encore. Leurs prédécesseurs ont connu le tchat et la webcam. Eux, c’est SnapchatFacebook et la GoPro. Nourris à l’iPad et à Netflix, ils n’allument la télévision que pour le direct. Ils téléphonent peu mais communiquent par SMS ou par Instagram. Ils prennent leurs cours sur tablette et flirtent via des applis. Ils ne se souviennent pas d’un monde sans crise et sans terrorisme. 

Un TGV cérébral allant de l’œil au pouce

Ces classifications ne sont pas juste des passe-temps pour sociologues en mal de repères. Pour les neurologues, le cerveau des Z est un terrain de recherches passionnant. Non qu’il soit construit différemment, mais il fonctionne différemment : avec leur TGV cérébral allant de l’œil au pouce posé sur l’écran, ils n’utilisent pas les mêmes circuits que nous.  

Il existe en effet trois systèmes dans le cerveau humain. Le premier, rapide, intuitif, sollicité par les écrans, est surdéveloppé chez eux. Le deuxième est plus réfléchi, plus lent, plus logique. Le troisième permet d’arbitrer entre les deux premiers : il est le siège véritable de l’intelligence. Il permet de résister aux réponses impulsives et d’inhiber les automatismes de pensée lorsque surgit un enjeu de morale ou de logique.  

« Pour penser correctement, explique Olivier Houdé, directeur du Laboratoire de psychologie du développement et de l’éducation de l’enfant (CNRS-Sorbonne), et auteur du livre Apprendre à résister (éd. Le Pommier), les Z doivent apprendre à combattre leurs automatismes. » Il veut les y aider grâce à une « pédagogie du contrôle cognitif ». Une pédagogie utile en maths ou en philo… mais aussi pour savoir décrypter les théories du complot. Ou éviter les pièges de la « radicalisation ». 

Irrévérencieux, consuméristes et narcissiques

Côté job, les Z n’ont rien à voir avec les X, nés dans les années 1960 et 1970, qui rêvaient d’être fonctionnaires. Pour eux, la stabilité professionnelle est une légende urbaine. Ils n’iront pas forcément dans les grandes entreprises (si l’ubérisation ne les a pas tuées) et préféreraient lancer leur boîte, leur site ou leur blog. Leur rapport à l’échec est différent du nôtre : ils testent, font des essais et des erreurs, jusqu’à ce qu’ils trouvent. Pour les Z, utiliser un mode d’emploi serait déchoir.  

Ils changent la manière de travailler, de voyager, de consommer, tant ils sont irrévérencieux, consuméristes et narcissiques. A leurs yeux, le « quart d’heure de célébrité » d’Andy Warhol est obsolète : tout le monde peut devenir populaire grâce aux selfies et à Internet. Leurs icônes parmi les entrepreneurs s’appellent Mark Zuckerberg ou Travis Kalanick, pas Bill Gates ni même Steve Jobs.  

Ils adorent Michelle Phan, cette Américaine d’origine vietnamienne qui s’est rendue célèbre sur YouTube avec ses vidéos de maquillage : à vingt ans elle s’était fait recaler par un grand parfumeur à qui elle apportait un projet innovant ; aujourd’hui, elle est millionnaire. Les Z sont souvent « cassés » par les grands groupes, qui vont devoir apprendre à les utiliser sans les étouffer. Autant les observer et les comprendre : notre monde sera ce qu’ils en feront. 

Z évoque moins Zorro que la fin de l’alphabet – la fin de l’Histoire. Heureusement, la génération suivante aura la lettre A. 

Par Christine Kerdellant, publié le 02/02/2016 dans l’Express

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